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Le bureau d'Arawn
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5 janvier 2008

Conte de Noël

« Allez, dépêchez-vous ! Moins on y mettra de temps, plus vite on sera de retour à l’intérieur ! »
Grommelant et renfrogné, Kyle se dirigeait d’un pas toujours lent derrière le serre, près du petit potager où s’était retrouvée la classe.
Dehors, la pluie avait redoublé d’intensité et ni manteaux, ni écharpes en laine, ni un gants triple épaisseur ne purent empêcher l’eau de s’infiltrer et le froid de les gagner.

« Regardez bien les petits boutons à l’embranchement, ils sont appelés bourgeons axillaires et… »
Kyle n’écoutait plus ce que le professeur racontait. Il ne voyait plus rien à travers se lunettes, ses cheveux lui collaient au front et pour tout dire, cela ne l’intéressait pas vraiment. Au-delà de ses lunettes, rien en Kyle ne pouvait l’associer à un bon élève. Calme, ce n’était pas le problème, il l’était. Et peut être un peu trop au goût de certaines personnes. « Investit toi ! » lui répétait inlassablement sa professeur de littérature ; « Aide moi un peu et lâche se bouquin ! » lui lançait chaque jour sa mère, dans l’espoir qu’il quitte sa chambre pour autre chose que le repas. Tout ce qu’ils recevaient, c’était un regard morne et ennuyé, avant d’être complètement oubliés.
Il leva sa tête, jetant un regard furtif vers le ciel. Les nuages, d’un gris uniforme, ne semblaient pas avoir l’intention de bouger. Il reçut une tape sur le crâne qui l’obligea à revenir au niveau terrestre, cherchant à savoir qui lui avait fait ça. Une jeune fille, Mathilde, s’il se souvenait bien, le regardait avec un rictus moqueur.

« Tu ferais bien de suivre au lieu de rêver. Toi qui n’aimes pas être à l’intérieur, profite. »
Et c’était vrai. Il tenait les salles de classe en horreur et cette escapade organisée lui faisait le plus grand bien. Raison de plus pour ne pas écouter. L’ignorant complètement, il partit en sens inverse vers le petit bassin qui abritait quelques carpes. Les poissons devaient être cachés dans les profondeurs car il n’en vit aucun. On n’entendait que le clapotis de l’eau et le mouvement à la surface faisait vaciller dangereusement les feuilles de lotus qui avaient réussi à survivre dans leur région. Il était presque certain qu’on leur avait jeté un sort de concentration solaire. La botanique n’était décidément pas son fort.

***


« Magnifique ! »
C’était tout juste. À peine avait-elle eut le temps de placer le dernier accessoire que la sonnerie retentissait dans l’établissement, bientôt submergée par le grondement assourdissant des raclements de chaises et des pas des élèves pressés. Elle ne resta cependant pas seul très longtemps, rejoint par sa meilleure amie, Sophie.
« Wouah ! Elle est vraiment superbe ! Quelle chance tu as eut d’avoir raté le cours d’histoire ! Dorovsky a passé un quart d’heure à nous faire des recommandations pour l’examen. »
Elle lui lança un sourire amusé. Toujours de bonne humeur, sa Sophie. Oui, en effet elle avait eut de la chance. En même temps, tout le monde aurait put y accéder, il fallait juste se présenter au concours… Mais avec les vacances de Noël approchant, les gens semblaient soudainement occupés par on ne savait quoi. À croire que la réalisation de crèche fait fuir.
On lui avait conseillé de l’installer dans le hall d’entrée, pour qu’elle soit vue de tous. Elle n’avait pas trop envie de l’abandonner, mais elle ne put résister aux mains de son amie qui la tiraient vers la cour Ovale, rejoindre leurs camarades, tandis qu’une classe passait par la grande porte, mouillée et frigorifiée, de retour du jardin.

***


« Raah…enfin parties ! Je croyais qu’elle n’allait jamais arrête de me tripoter !
- Oh, Jo’, tu exagères : On est là pour l’occasion, autant faire bonne figure.
- Ouais, ouais, je sais ! Mais quand même, tu l’as remarqué ! Je suis si peu présent qu’on ne sait jamais où me mettre ! Un coup par-ci, un coup par là ! Je vais finir par perdre mes couleurs !...Et fait moi taire ce mioche ! Quelle idée de le mettre dans un lit de paille, je vous jure.
- Pff…toujours là pour te faire remarquer. Contente toi un peu de ce qu’on t’offre… »

***


Il était resté là, prostré, devant cette crèche. Sans savoir pourquoi elle lui avait tapé dans l’œil, sans être particulièrement exceptionnelle. C’était une crèche aux proportions acceptables, du plus pur style classique : une étable au vieilles poutres poussiéreuses, un âne à la belle robe grise, deux jument de trait, un mouton à la laine grasse et profonde, un beau bébé bien grassouillet allongé dans son berceau, entouré de ses parents, émus et souriants. Franchement, il n’y avait rien à redire. Mise à part peut être le visage du bébé, déformé par les pleurs, celui de ses parents, semblable à celui de la colère conjugale, où encore le concert de braiement, de hennissements et de bêlements que Kyle entendait parfaitement d’où il se trouvait.
Le visage encore ruisselant de pluie, il enleva son écharpe trempée et laissa échapper un souffle vaporeux. La cloche de la reprise des cours retentit tandis qu’il essayait de détacher son regard de la crèche.


« Elle te plaît ? »
Il sursauta. Il n’avait entendu personne arriver, pas même le « je te rejoins » qu’elle avait lancé à Sophie..
« Je…euh…oui. Elle me plaît beaucoup.
- Merci…Tu m’aides à la mettre dehors ? Mme Meutler veut que je la place devant l’entrée, sous l’auvent. »

D’un mouvement vif, il hocha sa tête positivement et se rapprocha de la crèche. Les êtres qui la peuplaient semblaient s’être tus à l’arrivée de la jeune fille. Peut être était-ce un tour de son imagination, mais pendant le trajet il sentit le regard de la jeune femme penchée au dessus du berceau.
Dehors, il s’était arrêté de pleuvoir, mais le ciel était toujours gris et menaçant. Ils posèrent le tout sur une table préalablement aménagée et reculèrent pour admirer le résultat. La faible lumière qui parvenait à traverser les nuages offrait une vision assez étrange de la crèche. Des formes mouvantes étaient apparues et de grandes ombres se projetaient sur le fond de l’étable.
Juste à cet instant, il se mit à neiger, ce qui rendit la scène encore plus merveilleuse, plus étrange. Le premier flocon était tombé sur le nez de la jeune fille, provoquant en elle une série de gloussements étouffés. Même Kyle ne put s’empêcher de sourire.
Un léger coup de vent envoyer quelques flocons sur le toit de la crèche. C’était la touche finale.

« Au fait, je m’appelle Emma. »

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